La question de la place de l’hôpital dans notre système de santé n’a jamais été autant au centre des débats. Comment faire vivre les établissements ? Son rôle face au virage ambulatoire ? Sa place dans le parcours de soin ? La transformation des métiers avec l’apport technologique ? De nombreuses questions se posent sur l’avenir de l’hôpital. Décryptage.
La crise qui touche l’hôpital depuis plusieurs années impacte fortement notre système de santé et son organisation centrée sur les établissements de soins. La crise sanitaire a mis en lumière les carences des établissements en termes de personnel, de matériel… A cela s’ajoute les difficultés d’accès aux soins avec la désertification médicale où les hôpitaux sont confrontés à de graves problèmes d’engorgement.
La prise en charge du patient ne peut pas se résumer aujourd’hui simplement au soin. Dans sa configuration actuelle, l’hôpital ne peut répondre aux besoins d’accompagnement holistiques du patient, au-delà du soin. Il doit donc se transformer et se centrer sur le cœur de son activité : l’expertise médicale.
Aujourd’hui en France, l'hôpital se trouve à une place centrale et prépondérante du système de santé. Un modèle qui montre quelques limites face à l’augmentation des coûts, les difficultés de recrutement…
Les Français restent très attachés au système hospitalier. Selon un sondage Odoxa pour Vivalto Santé (1), la santé et l’hôpital constituent LA grande priorité des Français : 94% des Français en font un sujet « important », dont 54% qui estiment même qu’il est « prioritaire ». Mais les Français ne sont pas rassurés sur l’avenir : 86% jugent « probable » un risque de saturation de l’accès aux hôpitaux et aux cliniques et, plus globalement, 66% des Français et la quasi-totalité (95%) des personnels hospitaliers pensent que la qualité des soins fournis par les établissements de santé va se dégrader à l’avenir.
Au-delà de ce constat, la satisfaction des patients lors de leurs séjours à l’hôpital se dégrade. On observe d’importantes fragilités dans les domaines « annexes au soin » tels que la chambre, la restauration, ou encore l’accès à l’hôpital, qui suscitent le mécontentement (croissant) de plus de 3 patients sur 10. Améliorer l’expérience des patients et de leurs accompagnants est d’ailleurs un aspect jugé prioritaire par près de 6 Français sur 10. (1)
Les professionnels de santé se montrent très critiques pour leurs conditions de travail, en dépit du « Ségur de la santé » mis en place par le gouvernement : pour 93% des professionnels de santé l’avenir de l’hôpital est du système de santé seront moins bons à l’avenir qu’actuellement. (2) Ils constatent déjà une dégradation de la situation : 79% relèvent une dégradation globale de leur capacité à bien soigner leurs patients.
Parmi les pistes d’amélioration de la qualité du travail, on retrouve la hausse des salaires, l’amélioration des conditions de travail (locaux, matériel…) et la réduction des risques psychosociaux.
Cette dégradation des conditions de travail se répercute sur la santé des soignants qui n’est pas suffisamment pris en charge. Selon une enquête de la Société européenne de médecine d’urgence (Eusem) menée au début de l’année 2022 auprès de médecins et d’infirmiers : près des deux-tiers des professionnels de l’urgence seraient en burn out (3). En France, 3 professionnels de la santé se suicident tous les 2 jours selon une étude l’association SPS (Soins aux Professionnels de la Santé) (4)
Depuis la crise sanitaire, face au manque de moyen et à la dégradation des conditions de travail, on observe de nombreuses vagues de départs au niveau des soignants : infirmières, médecins, cadres de santé, chef de cliniques… Des départs vers des structures privées, en libéral ou des changements complets de secteurs d’activité. Tous font le même constat : un hôpital public qui s’effondre, et un système qui écrase les soignants et néglige les patients. (5)
Avec le déploiement depuis quelques années de l’hospitalisation à domicile, le virage ambulatoire, on observe un transfert de la prise en charge du patient en dehors des établissements hospitaliers. Une tendance qui s’accélère pour favoriser une prise en charge globale du patient.
Cette accélération est motivée par plusieurs facteurs : la pression budgétaire sur les systèmes de santé, l'évolution des pratiques médicales, et les attentes des patients en matière de qualité et de flexibilité des soins.
La prise en charge du patient se fait au domicile ou dans des structures de soins de proximité telles que les cabinets médicaux, les centres de santé ou encore les maisons de santé pluridisciplinaires. Ce mode de prise en charge en dehors de l’hôpital contribue à une amélioration de la coordination des soins entre les différents professionnels de santé, en favorisant le partage des informations médicales et en renforçant la coopération entre les différents acteurs de la prise en charge.
Pour favoriser ce virage ambulatoire, le numérique devient un élément central :
Cette accélération du virage ambulatoire doit permettre de sortir de ce schéma hospitalo-centré et favoriser la transformation des établissements hospitaliers pour une meilleure prise en charge des patients.
Dématérialisation, télémédecine, service interactif, présence sur les réseaux sociaux… Petit à petit, les établissements de soins utilisent les nouvelles technologies pour gagner en efficacité et proposer de nouveaux services.
La révolution digitale concerne désormais les centres hospitaliers dans toutes leurs activités : gestion des soins, prise en charge des patients, relation entre services, lien ville/hôpital, management… On passe progressivement d’une détention du savoir médical par la soignant à une acquisition de ce savoir par la data.
Cette transformation entraine une disparition de l’hôpital bloc au profit de l’hôpital modulaire plus connecté à la ville et à la maison. Un hôpital qui va se centrer sur l’expertise médicale avec des séjours courts et de la coordination avec la médecine de ville.
L’hôpital de demain sera connecté, fortement impacté par la technologie, avec le déploiement :
L’intelligence artificielle sera omniprésente dans l’hôpital de demain. Les technologies liées à l’IA chamboulent l’ordre établi au sein de l’hôpital. Elles bouleversent aussi bien les usages des médecins que des patients. On observera une généralisation des systèmes d’aide à la décision médicale qui permettent de faciliter l’exploitation numérique des connaissances médicales dont les principaux gisements sont les dossiers patients, notes, observations, compte rendus et lettres rédigés par les médecins (6).
Au-delà du soin et de la prise en charge du patient, l’IA va devenir essentielle dans la gestion des établissements hospitaliers et la prise de décision : gestion des flux patients via des modèles prédictifs, organisation des soins, pilotage en fonction des besoins réels des patients…
Enfin, l’innovation au bloc opératoire, avec l’intégration de multiples technologies au service de la pratique, favorisera des interventions courtes, ciblées et optimisées. La chirurgie 4.0 sera une réalité :
L’hôpital de demain sera davantage ouvert aux autres acteurs de santé pour faciliter la coordination des soins et pour proposer des terrains d’expérimentations pour les startups ou PME innovantes en santé. Des partenariats qui favorisent une offre de soins plus flexible et adaptée aux besoins des patients (7).
L’impact technologique à l’hôpital et le déploiement du virage ambulatoire feront de l’hôpital un haut lieu d’expertise médicale où une partie des soins et de la prise en charge se feront dans des structures en ville ou au domicile du patient. Un hôpital qui sera davantage connecté à la médecine de ville pour une prise en charge optimisé du patient. Pour arriver à cet hôpital optimisé, il convient de revoir avant tout les conditions de travail des soignants pour gagner en attractivité, la gestion des établissements et trouver un nouveau modèle économique pour son financement.
Rémy Teston
Consultant digital / Expert e-santé – Buzz E-santé
Depuis son apparition en France au VIIIème siècle, l'hôpital a traversé une histoire riche et complexe, demeurant toujours au cœur de notre système de soins. Il s'est montré capable de transformations et d'adaptations remarquables, en particulier lors des crises sanitaires majeures. Aujourd'hui, après la période de pandémie, certains avancent que l'hôpital est en train de disparaître, tandis que d'autres soutiennent qu'il se réinvente : l'hôpital est mort, vive l'hôpital !
En effet, l'hôpital de demain sera radicalement différent de celui que nous avons connu jusqu'à présent. Les technologies numériques auront un impact considérable, en commençant par l'expérience des patients : réduction des temps d'attente, information en temps réel, parcours de soins hybrides combinant physique et virtuel. Le numérique permettra de briser les cloisonnements, coordonner les différents services et faciliter la collaboration avec la médecine de ville.
Jusqu'à présent, l'informatisation de l'hôpital a souvent été perçue par les professionnels de santé comme source de lourdeur et de complexité. Toutefois, la prochaine phase de digitalisation devrait apporter simplicité et amélioration de l'expérience utilisateur, à l'image de ce que nous avons tous vécu avec nos smartphones.
En somme, grâce aux innovations numériques, le cœur de l'hôpital deviendra plus ubiquitaire, mobile, simple et humain. Nous serons tous conquis par l'hôpital de demain !