Comment le digital peut aider à rendre la santé plus éco-responsable ?
Face au bouleversement climatique, le numérique a souvent été mis en avant comme moyen de contribuer à la réduction des effets de serre. Bien que consommateur d’énergie, le digital peut apporter des réponses à une santé plus éco-responsable. Décryptage.
En mai 2023, le gouvernement a dévoilé sa feuille de route « Planification écologique du système de santé » qui dresse le constat de l’impact important du secteur de la santé dans l’empreinte carbone nationale et liste les domaines d’action. Il apparaît que le système de soins français représente plus de 8 % des émissions de gaz à effet de serre nationales (près de 50 millions de tonnes équivalent CO2) (1).
Dans cette feuille de route, plusieurs champs d’actions sont mis en avant pour assurer la transformation écologique du secteur autour de la rénovation des bâtiments, des achats durables, des soins écoresponsables, des déchets, des transports etc…
Pour réduire cet impact environnement du secteur de la santé, le numérique, bien que lui aussi consommateur d’énergie peut apporter des solutions. Nous avions vu dans une précédente chronique que, dans le secteur de la santé, le numérique pollue de plus en plus chaque année (+ 6 % par an) et représente aujourd’hui 2 % de la consommation énergétique de toute la France (2).
Au-delà de ce constat, le numérique peut accompagner l’ensemble des acteurs de santé à être plus éco-responsable. Panorama des solutions apportées par le numérique santé.
La télésanté pour réduire les déplacements
La télésanté et ses composantes (téléconsultation, télésurveillance, télésoin…) apparaissent naturellement comme une première réponse aux enjeux environnementaux. Les consultations à distance réduisent les déplacements, diminuant ainsi l'empreinte carbone liée à ceux-ci.
En réduisant le recours en présentiel dans les établissements de soin ou les cabinets médicaux, on contribue également à réduire la consommation d'énergie (lumière, chauffage, climatisation…).
Effectivement la téléconsultation pourrait devenir un élément essentiel à l’écologie durable en réduisant l’empreinte carbone selon une étude de l’Université d’Oxford publiée dans le Journal of Medical Internet Research.
"Les systèmes de santé doivent de toute urgence devenir plus durables sur le plan environnemental. Notre examen montre clairement que les consultations virtuelles offrent un moyen d'aider à cela. Alors que l'adoption et la diffusion de la consultation virtuelle doivent être considérées parallèlement à une série de facteurs liés au système, à l'organisation, à la clinique et au patient, lorsqu'elles sont bien faites et à grande échelle, elles offrent un potentiel important d'économies de carbone, principalement (mais pas seulement) grâce à des réductions de voyage." Indique le professeur Shaw, de l'Université d'Oxford dans un communiqué de presse (3).
De son côté, la télésurveillance et le maintien à domicile du patient réduit le besoin de visites régulières à l'hôpital ou chez le médecin, diminuant ainsi l'empreinte carbone associée aux déplacements et aux infrastructures médicales.
Une politique zéro papiers
De plus en plus d’entreprises de santé, établissements de soins, cabinets médicaux, pharmacies déploient des stratégies zéro papier. Il s'agit d'un processus de transformation numérique qui vise à supprimer l'utilisation du papier dans les processus métiers en faveur de la numérisation et de la gestion électronique des documents (4).
La digitalisation progressive des échanges entre praticiens ou établissements de santé permet de réduire la consommation de papier et d'espace de stockage physique, contribuant ainsi à la préservation des arbres et à la réduction des déchets.
Différentes solutions favorisent la baisse d’utilisation du papier :
Optimisation des ressources et des déchets médicaux dans les établissements de santé
Avec une production de 700 000 tonnes par an de déchets de toutes sortes, soit 3,5 % de la production nationale, les établissements de santé cherchent à rationaliser les déchets. En effet, le traitement des DASRI (déchets d’activités de soins à risques infectieux) représente un impact environnemental et écologique significativement plus important que les DAOM (déchets assimilés aux ordures ménagères) (1).
Les solutions numériques peuvent aider les établissements de santé à optimiser leurs ressources, réduisant ainsi les gaspillages de matériaux et d'énergie. Des solutions basées sur l’intelligence artificielle favorisent :
Des systèmes de suivi digitaux permettent d’aider à suivre et à gérer les déchets médicaux de manière plus efficace, réduisant ainsi les risques environnementaux associés à l'élimination inappropriée de ces déchets. A titre d’exemple, on peut citer la solution Trinov qui permet de tracer facilement les flux, depuis l’unité de de soin jusqu’à leur destination finale.
L’empreinte carbone comme critère d’accès au marché ?
Le critère d’impact environnemental des solutions numériques déployées dans le monde de la santé est de plus en plus présent pour accéder au marché ou être référencé auprès des acteurs de santé.
Dans le cadre de sa feuille de route de la transition écologique du système de santé, le Ministère de la Santé et de la Prévention, en collaboration avec l’Agence du Numérique en Santé a développé l’écoscore qui est un indice de sobriété environnementale.
Il est calculé à partir de mesures (énergie, performance, données) prises au cours de l’utilisation d’un service numérique. Outre l’écoscore, le service fournit les indicateurs environnementaux usuels tels que les émissions de gaz à effet de serre, en eq. C02, la consommation de ressources, ou la consommation d’eau. Les résultats produits permettent d’identifier des pistes d’action permettant de réduire l’empreinte du service numérique (7).
Cet écoscore est notamment utilisé dans l’évaluation des services digitaux santé qui souhaitent intégrer le catalogue de services de Mon Espace Santé. Cela démontre l’importance du critère.
Certes, le numérique est consommateur d’énergie mais son impact dans le monde de la santé permet de contribuer au développement durable et à rendre les acteurs de santé plus éco-responsables. Evidemment le digital n’est pas l’unique solution et est complémentaire de toutes les autres actions menées autour de la planification écologique du système de santé.
Le Regard du Digital Pharma Lab
Tout d’abord, l’utilisation du numérique pollue majoritairement par l’électricité consommée. Si, comme en France, la production électrique est largement décarbonée (nucléaire, hydraulique, éolien et solaire), le numérique devient un vecteur très intéressant pour faire baisser les émissions de carbone du domaine de la Santé. La France dispose donc d’un atout considérable si l’électrification décarbonée se poursuit. C’est d’ailleurs une des principales raisons du choix du Danois Novo Nordisk d’installer de nouvelles lignes de production pharmaceutiques pour le monde entier en France : son électricité décarbonée, pour un investissement supérieur à 2,5 Milliards d’Euros. L’industriel est un des pionniers de la décarbonation avec un objectif net zéro avant 2030 et Zéro Carbone peu de temps après.
Les hôpitaux français sont également de plus en plus focalisés sur le sujet. Les personnels ont pris conscience de l’enjeu et l’action des pouvoirs publics porte ses fruits : en particulier, la législation – pour les achats hospitaliers, ou l’usage unique de certains dispositifs - évolue pour, par exemple, introduire des clauses beaucoup plus précises et obligatoires à cet égard pour les achats publics.
C’est une transformation en marche, et industriels comme fournisseurs de soins sont bien montés à bord. La France dispose d’une électricité décarbonée et d’un écosystème de startups du numérique en santé très fourni : nous avons tous les atouts pour faire cette course écologique, économique et numérique en tête !
Rémy Teston
Digital Consultant / E-Health Expert – Buzz E-santé
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